Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/341

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taient en lui, l’emportaient comme une masse. Il râlait, il balbutiait.

— Non, non… là-bas, là-bas…

Il fallut que son ami le soutînt, et il s’en alla ainsi, trébuchant et hagard, jusqu’au fond de la salle, et il se laissa tomber sur sa chaise, devant sa table, où une page commencée traînait, parmi le désordre des papiers et des livres.

Là, un moment, il souffla, ses paupières se fermèrent. Bientôt, il les rouvrit, tandis que ses mains tâtonnantes cherchaient le travail. Elles rencontrèrent l’Arbre généalogique, au milieu d’autres notes éparses. L’avant-veille encore, il y avait rectifié des dates. Et il le reconnut, l’attira, l’étala.

— Maître, maître ! vous vous tuez ! répétait Ramond frémissant, bouleversé de pitié et d’admiration.

Pascal n’écoutait pas, n’entendait pas. Il avait senti un crayon rouler sous ses doigts. Il le tenait, il se penchait sur l’Arbre, comme si ses yeux à demi éteints ne voyaient plus. Et, une dernière fois, il passait en revue les membres de la famille. Le nom de Maxime l’arrêta, il écrivit : « Meurt ataxique, en 1873 », dans la certitude que son neveu ne passerait pas l’année. Ensuite, à côté, le nom de Clotilde le frappa, et il compléta aussi la note, il mit : « A, en 1874, de son oncle Pascal, un fils. » Mais il se cherchait, s’épuisant, s’égarant. Enfin, quand il se fut trouvé, sa main se raffermit, il s’acheva, d’une écriture haute et brave : « Meurt, d’une maladie de cœur, le 7 novembre 1873. » C’était l’effort suprême, son râle augmentait, il étouffait, lorsqu’il aperçut, au-dessus de Clotilde, la feuille blanche. Ses doigts ne pouvaient plus tenir le crayon. Pourtant, en lettres défaillantes, où passait la tendresse torturée, le désordre éperdu de son pauvre cœur, il ajouta encore : « L’enfant inconnu, à naître en 1874.