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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/362

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venait toujours de la chambre qu’une paix auguste de mort, elle n’entendit que le clair tintement de la pendule sonnant un seul coup, une heure du matin. Et l’armoire était grande ouverte, béante, montrant, sur ses trois planches, l’entassement de papiers dont elle débordait. Alors, elle se rua, l’œuvre de destruction commença, au milieu de l’ombre sacrée, de l’infini repos de cette veillée funèbre.

— Enfin ! répéta-t-elle tout bas, depuis trente ans que je veux et que j’attends !… Dépêchons, dépêchons, Martine ! aidez-moi !

Déjà, elle avait apporté la haute chaise du pupitre, elle y était montée d’un bond, pour prendre d’abord les papiers de la planche supérieure, car elle se souvenait que les dossiers se trouvaient là. Mais elle fut surprise de ne pas reconnaître les chemises de fort papier bleu, il n’y avait plus là que d’épais manuscrits, les œuvres terminées et non publiées encore du docteur, des travaux inestimables, toutes ses recherches, toutes ses découvertes, le monument de sa gloire future, qu’il avait légué à Ramond, pour que celui-ci en prît le soin. Sans doute, quelques jours avant sa mort, pensant que les dossiers seuls étaient menacés, et que personne au monde n’oserait détruire ses autres ouvrages, avait-il procédé à un déménagement, à un classement nouveau, pour soustraire ceux-là aux recherches premières.

— Ah ! tant pis ! murmura Félicité, il y en a tellement, commençons par n’importe quel bout, si nous voulons arriver… Pendant que je suis en l’air, nettoyons toujours ça… Tenez, réchappez, Martine !

Et elle vida la planche, elle jeta, un à un, les manuscrits entre les bras de la servante, qui les posait sur la table, en faisant le moins de bruit possible. Bientôt, tout le tas y fut, elle sauta de la chaise.