Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/114

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s’abattit au loin, ainsi qu’une troupe d’oiseaux blancs, roulés dans la tempête.

Et Angélique se mit à courir.

— Ah ! mon Dieu ! arrivez donc ! aidez-moi donc !

Tous deux s’étaient précipités. Elle arrêta un col, sur le bord de la Chevrote. Lui, déjà, tenait deux guimpes, retrouvées au milieu de hautes orties. Les manchettes, une à une, furent reconquises. Mais, dans leurs courses à toutes jambes, trois fois elle venait de l’effleurer, des plis envolés de sa jupe ; et, chaque fois, il avait eu une secousse au cœur, la face subitement rouge. À son tour, il la frôla, en faisant un saut pour rattraper le dernier fichu, qui lui échappait. Elle était restée debout, immobile, étouffant. Un trouble noyait son rire, elle ne plaisantait plus, ne se moquait plus de ce grand garçon innocent et gauche. Qu’avait-elle donc, pour n’être plus gaie et pour défaillir ainsi, sous cette angoisse délicieuse ? Quand il lui tendit le fichu, leurs mains, par hasard, se touchèrent. Ils tressaillirent, ils se contemplèrent, éperdus. Elle s’était reculée vivement, elle demeura quelques secondes à ne savoir que résoudre, dans la catastrophe extraordinaire qui lui arrivait. Puis, tout d’un coup, affolée, elle prit sa course, elle se sauva, les bras pleins du menu linge, abandonnant le reste.

Félicien, alors, voulut parler.