Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’odeur d’encens et la mystique lueur de l’or pâli.

— Ah ! soupirait Angélique, c’est fini, ces belles choses. On ne peut pas seulement retrouver les tons.

Et, les yeux luisants, elle s’arrêtait de travailler, quand il lui contait l’histoire des grandes brodeuses et des grands brodeurs d’autrefois, Simonne de Gaules, Coli Jolye, dont les noms ont traversé les âges. Puis, tirant de nouveau l’aiguille, elle en restait transfigurée, elle gardait au visage le rayonnement de sa passion d’artiste. Jamais elle ne lui semblait plus belle, si enthousiaste, si virginale, brûlant d’une flamme pure dans l’éclat de l’or et de la soie, avec son application profonde, son travail de précision, les points menus où elle mettait toute son âme. Il cessait de parler, il la contemplait, jusqu’à ce que, réveillée par le silence, elle s’aperçût de la fièvre où il la jetait. Elle en était confuse comme d’une défaite, elle rattrapait son calme indifférent, la voix fâchée.

— Bon ! voilà encore mes soies qui s’emmêlent !… Mère, ne remuez donc pas !

Hubertine, qui n’avait point bougé, souriait, tranquille. Elle s’était inquiétée d’abord des assiduités du jeune homme, elle en avait causé un soir avec Hubert, en se couchant. Mais ce garçon ne leur déplaisait pas, il demeurait très convenable : pourquoi se seraient-ils opposés à des entrevues d’où pouvait sortir le bonheur d’Angélique ? Elle