Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la poitrine. Un instant, il la regarda, sans même céder à la tentation de baiser ses cheveux.

— Vous m’aimez, et je vous aime… Ah ! la certitude d’être aimé !

Mais un émoi les tira de ce ravissement. Qu’était-ce donc ? ils se voyaient dans une grande lumière blanche, il lui semblait que la clarté de la lune s’élargissait, resplendissait comme celle d’un soleil. C’était l’aube, une nuée s’empourprait au-dessus des ormes de l’Évêché. Eh ! quoi ? déjà le jour ! Ils en restaient confondus, ils ne pouvaient croire que, depuis des heures, ils étaient là, à causer. Elle ne lui avait rien dit encore, et lui avait tant d’autres choses à dire !

— Une minute, rien qu’une minute !

L’aube, souriante, grandissait, l’aube déjà tiède d’une chaude journée d’été. Une à une, les étoiles venaient de s’éteindre, et avec elles étaient parties les visions errantes, les amies invisibles, remontées dans un rayon de lune. Maintenant, sous le plein jour, la chambre n’était plus blanche que de la blancheur de ses murs et de ses poutres, toute vide avec ses antiques meubles de chêne sombre. On voyait le lit défait, qu’un des rideaux de perse, retombé, cachait à demi.

— Une minute, une minute encore !

Angélique s’était levée, refusant, pressant Félicien de partir. Depuis que le jour croissait, elle était prise d’une confusion, et la vue du lit l’acheva.