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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/205

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Et, inébranlable dans sa foi :

— C’est drôle, mère, comme vous croyez le monde méchant ! Quand je vous dis que les choses marcheront bien !… Il y a deux mois, vous me grondiez, vous me plaisantiez, rappelez-vous et pourtant j’avais raison, tout ce que j’annonçais s’est réalisé.

— Mais, malheureuse, attends la fin !

Hubertine se désolait, tourmentée par son remords d’avoir laissé Angélique ignorante à ce point. Elle aurait voulu lui dire les dures leçons de la réalité, l’éclairer sur les cruautés, les abominations du monde, prise d’embarras, ne trouvant pas les mots nécessaires. Quelle tristesse, si, un jour, elle avait à s’accuser d’avoir fait le malheur de cette enfant, élevée ainsi en recluse, dans le mensonge continu du rêve !

— Voyons, ma chérie, tu n’épouserais pourtant pas ce garçon malgré nous tous, malgré son père.

Angélique devint sérieuse, la regarda en face, puis d’un ton grave :

— Pourquoi pas ? Je l’aime et il m’aime.

De ses deux bras, sa mère la reprit, la ramena contre elle ; et elle aussi la regardait, sans parler encore, frémissante. La lune voilée était descendue derrière la cathédrale, les brumes volantes se rosaient faiblement au ciel, à l’approche du jour. Toutes deux baignaient dans cette pureté mati-