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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/206

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nale, dans le grand silence frais, que seul le réveil des oiseaux troublait de petits cris.

— Oh ! mon enfant, il n’y a que le devoir et l’obéissance qui fassent le bonheur. On souffre toute sa vie d’une heure de passion et d’orgueil. Si tu veux être heureuse, soumets-toi, renonce, disparais…

Mais elle la sentait se rebeller dans son étreinte, et ce qu’elle ne lui avait jamais dit, ce qu’elle hésitait encore à lui dire, s’échappa de ses lèvres.

— Écoute, tu nous crois heureux, père et moi. Nous le serions, si un tourment n’avait pas gâté notre vie…

Elle baissait la voix davantage, elle lui conta d’un souffle tremblant leur histoire, le mariage malgré sa mère, la mort de l’enfant, l’inutile désir d’en avoir un autre, sous la punition de la faute. Cependant, ils s’adoraient, ils avaient vécu de travail, sans besoins ; et ils étaient malheureux, ils en seraient certainement arrivés à des querelles, une vie d’enfer, peut-être une séparation violente, sans leurs efforts, sa bonté à lui, sa raison à elle.

— Réfléchis, mon enfant, ne mets rien dans ton existence, dont tu puisses souffrir plus tard… Sois humble, obéis, fais taire le sang de ton cœur.

Combattue, Angélique l’écoutait, toute pâle, retenant des larmes.

— Mère, vous me faites du mal… Je l’aime et il m’aime.