Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/226

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que j’aime et que je suis aimée… Cela ne suffit-il point ? Aimer, aimer et le dire !

Et elle continuait en phrases, coupées et soupirées, elle se confessait toute, dans un élan de naïveté, de passion croissante. C’était l’amour qui avoue. Elle osait ainsi, parce qu’elle était chaste. Peu à peu, elle avait relevé la tête.

— Nous nous aimons, Monseigneur. Lui, sans doute, vous a expliqué comment cette chose a pu se faire. Moi, souvent, je me le suis demandé, sans parvenir à me répondre… Nous nous aimons, et si c’est un crime, pardonnez-le, car il est venu de loin, des arbres et des pierres mêmes qui nous entouraient. Quand j’ai su que je l’aimais, il était trop tard pour ne plus l’aimer… Maintenant, est-ce possible de vouloir cela ? Vous pouvez le garder chez vous, le marier ailleurs, mais vous n’arriverez pas à faire qu’il ne m’aime point. Il mourra sans moi, comme je mourrai sans lui. Lorsqu’il n’est pas là, à mon côté, je sens bien qu’il y est encore, que nous ne nous séparons plus, que l’un emporte le cœur de l’autre. Je n’ai qu’à fermer les yeux, je le revois, il est en moi… Et vous nous arracheriez de cette union ? Monseigneur, cela est divin, ne nous empêchez pas de nous aimer.

Il la regardait, si fraîche, si simple, d’une odeur de bouquet, dans sa petite robe d’ouvrière. Il l’écoutait dire le cantique de son amour, d’une voix pénétrante de charme, peu à peu raffermie.