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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/227

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Mais le chapeau de jardin glissa sur ses épaules, ses cheveux de lumière lui nimbèrent le visage d’or fin ; et elle lui apparut comme une de ces vierges légendaires des anciens missels, avec quelque chose de frêle, de primitif, d’élancé dans la passion, de passionnément pur.

— Soyez bon, Monseigneur… Vous êtes le maître, faites que nous soyons heureux.

Elle l’implorait, elle courbait de nouveau le front, en le voyant si froid, toujours sans une parole, sans un geste. Ah ! cette enfant éperdue à ses pieds, cette odeur de jeunesse qui s’exhalait de sa nuque ployée devant lui ! Là, il retrouvait les petits cheveux blonds, si follement baisés autrefois. Celle dont le souvenir le torturait après vingt ans de pénitence, avait cette jeunesse odorante, ce col d’une fierté et d’une grâce de lis. Elle renaissait, c’était elle-même qui sanglotait, qui le suppliait d’être doux à la passion.

Les larmes étaient venues, Angélique continuait pourtant, voulait tout dire.

— Et, Monseigneur, ce n’est pas seulement lui que j’aime, j’aime encore la noblesse de son nom, l’éclat de sa royale fortune… Oui, je sais que, n’étant rien, n’ayant rien, j’ai l’air de le vouloir pour son argent ; et, c’est vrai, c’est aussi pour son argent que je le veux… Je vous dis cela, puisqu’il faut que vous me connaissiez… Ah ! devenir riche par lui, avec lui, vivre dans la douceur et la splen-