Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/228

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deur du luxe, lui devoir toutes les joies, être libres de notre amour, ne plus laisser de larmes, plus de misères, autour de nous !… Depuis qu’il m’aime, je me vois vêtue de brocart, comme dans l’ancien temps ; j’ai au cou, aux poignets, des ruissellements de pierreries et de perles ; j’ai des chevaux, des carrosses, de grands bois où je me promène à pied, suivie par des pages… Jamais je ne pense à lui, sans recommencer ce rêve ; et je me dis que cela doit être, il a rempli mon désir d’être reine. Monseigneur, est-ce donc vilain, de l’aimer davantage, parce qu’il comblera tous mes souhaits d’enfant, les pluies d’or miraculeuses des contes de fées ?

Il la trouvait fière, redressée, avec son grand air charmant de princesse, dans sa simplicité. Et c’était bien l’autre, la même délicatesse de fleur, les mêmes larmes tendres, claires comme des sourires. Toute une ivresse émanait d’elle, dont il sentait monter à sa face le frisson tiède, ce même frisson du souvenir qui le jetait, la nuit, sanglotant à son prie-Dieu, troublant de ses plaintes le silence religieux d’évêché. Jusqu’à trois heures du matin, la veille, il avait lutté encore ; et cette aventure d’amour, cette passion remuée ainsi, irritait son inguérissable blessure. Mais, derrière son impassibilité, rien n’apparaissait, ne trahissait l’effort du combat, pour dompter les battements du cœur. S’il perdait son sang goutte à goutte,