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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/237

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ciel ardent, des ombrages noirs ; tandis qu’une délicieuse fraîcheur s’exhalait de la Chevrotte, dont l’ombre des saules glaçait l’eau vive. Et Angélique passa la première journée très gaiement, tapant et plongeant les linges, jouissant de la rivière, des ormes, du moulin en ruine, des herbes, de toutes ces choses amies, si pleines de souvenirs. N’était-ce pas là qu’elle avait connu Félicien, d’abord mystérieux sous la lune, puis si adorablement gauche, le matin où il avait sauvé la camisole emportée ? Après chaque pièce qu’elle rinçait, elle ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil vers la grille de l’Évêché, condamnée autrefois : elle l’avait un soir franchie à son bras, peut-être allait-il brusquement l’ouvrir, pour la venir prendre et l’emmener aux genoux de son père. Cet espoir enchantait sa grosse besogne, dans les éclaboussures de l’écume.

Mais, le lendemain, comme la mère Gabet amenait la dernière brouettée du linge qu’elle étendait avec Angélique, elle interrompit son bavardage interminable, pour dire sans malice :

— À propos, vous savez que Monseigneur marie son fils ?

La jeune fille, en train d’étaler un drap, s’agenouilla dans l’herbe, le cœur défaillant sous la secousse.

— Oui, le monde en cause… Le fils de Monseigneur épousera mademoiselle de Voincourt à l’au-