Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/238

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tomne… Tout est réglé d’avant-hier, paraît-il.

Elle restait à genoux, un flot d’idées confuses bourdonnait dans sa tête. La nouvelle ne la surprenait point, elle la sentait vraie. Sa mère l’avait avertie, elle devait s’y attendre. Mais, en ce premier moment, ce qui lui brisait ainsi les jambes, c’était la pensée que, tremblant devant son père, Félicien pouvait épouser l’autre, sans l’aimer, un soir de lassitude. Alors, il serait perdu pour elle, qu’il adorait. Jamais elle n’avait songé à cette faiblesse possible, elle le voyait plié sous le devoir, faisant au nom de l’obéissance leur malheur à tous deux. Et, sans qu’elle bougeât encore, ses yeux s’étaient portés vers la grille, une révolte la soulevait enfin, le besoin d’en aller secouer les barreaux, de l’ouvrir de ses ongles, de courir près de lui et de le soutenir de son courage, pour qu’il ne cédât pas.

Elle fut surprise de s’entendre répondre à la mère Gabet, dans l’instinct purement machinal de cacher son trouble.

— Ah ! c’est mademoiselle Claire qu’il épouse… Elle est très belle, on la dit très bonne…

Sûrement, dès que la vieille femme serait partie, elle irait le rejoindre. Elle avait assez attendu, elle briserait son serment de ne pas le revoir, comme un obstacle importun. De quel droit les séparait-on ainsi ? Tout lui criait leur amour, la cathédrale, les eaux fraîches, les vieux ormes,