Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parmi lesquels ils s’étaient aimés. Puisque leur tendresse avait grandi là, c’était là qu’elle voulait le reprendre, pour s’enfuir à son cou, très loin, si loin, que jamais plus on ne les retrouverait.

— Ça y est, dit enfin la mère Gabet, qui venait de pendre à un buisson les dernières serviettes, Dans deux heures, ça sera sec… Bien le bonsoir, mademoiselle, puisque vous n’avez que faire de moi.

Maintenant, debout au milieu de cette floraison de linges, éclatants sur l’herbe verte, Angélique songeait à cet autre jour, où, dans le grand vent, parmi le claquement des draps et des nappes, leurs cœurs s’étaient donnés, si ingénus. Pourquoi avait-il cessé de venir la voir ? Pourquoi n’était-il pas à ce rendez-vous, dans cette gaieté saine de la lessive ? Mais, tout à l’heure, quand elle le tiendrait entre ses bras, elle savait bien qu’il n’appartiendrait plus qu’à elle seule. Elle n’aurait pas même besoin de lui reprocher sa faiblesse, il lui suffirait de s’être montrée, pour qu’il retrouvât la volonté de leur bonheur. Il oserait tout, elle n’avait qu’à le rejoindre, dans un instant.

Une heure se passa, et Angélique marchait à pas ralentis, entre les linges, toute blanche elle-même de l’aveuglant reflet du soleil, et une voix confuse s’élevait dans son être, grandissait, l’empêchait d’aller là-bas, à la grille. Elle s’effrayait devant cette lutte commençante. Quoi donc ? il n’y avait