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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/241

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loin, chez les mendiants, madame de Voincourt et sa fille Caire, accompagnées de Félicien. Celui-ci, sans doute, les avait amenées. Elle ne se montra pas, elle s’en revint, le cœur glacé. Deux jours plus tard, elle les vit qui entraient tous les trois chez les Chouteau ; puis, un matin, le père Mascart lui conta une visite du beau jeune homme avec deux dames. Alors, elle abandonna ses pauvres, qui n’étaient plus à elle, puisque, après les lui avoir pris, Félicien les donnait à ces femmes ; elle cessa de sortir, de peur de les rencontrer encore, de recevoir au cœur la blessure dont la souffrance, chaque fois, s’enfonçait davantage ; et elle sentait que quelque chose mourait en elle, sa vie s’en allait goutte à goutte.

Ce fut un soir, après une de ces rencontres, seule dans sa chambre, étouffée d’angoisse, qu’elle laissa échapper ce cri :

— Mais il ne m’aime plus !

Elle revoyait Claire de Voincourt, grande, belle, avec sa couronne de cheveux noirs ; et elle le revoyait, lui, à côté, mince et fier. N’étaient-ils pas faits l’un pour l’autre, de la même race, si appareillés, qu’on les aurait crus mariés déjà ?

— Il ne m’aime plus, il ne m’aime plus !

Cela éclatait en elle, avec un grand bruit de ruine. Sa foi ébranlée, tout croulait, sans qu’elle retrouvât le calme d’examiner, de discuter froidement les faits. Elle croyait la veille, elle ne croyait