Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/258

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siennes, elle s’assurait qu’il n’était pas une vision errante du sommeil.

— Vous m’aimez toujours, et je vous aime, ah ! plus que je ne croyais pouvoir aimer !

C’était un étourdissement de bonheur, une première minute d’allégresse absolue, où ils oubliaient tout, pour n’être qu’à cette certitude de s’aimer encore, et de se le dire. Les souffrances de la veille, les obstacles du lendemain, avaient disparu ; ils ne savaient comment ils étaient là ; mais ils y étaient, ils mêlaient leurs douces larmes, ils se serraient d’une étreinte chaste, lui éperdu de pitié, elle si émaciée par le chagrin, qu’il n’avait d’elle, entre les bras, qu’un souffle. Dans l’enchantement de sa surprise, elle restait comme paralysée, chancelante et bienheureuse au fond du fauteuil, ne retrouvant pas ses membres, ne se soulevant à demi que pour retomber, sous l’ivresse de sa joie.

— Ah ! cher seigneur, mon désir unique est accompli : je vous aurai revu, avant de mourir.

Il releva la tête, il eut un geste d’angoisse.

— Mourir !… Mais je ne veux pas ! Je suis là, je vous aime.

Elle souriait divinement.

— Oh ! je puis mourir, puisque vous m’aimez. Cela ne m’effraie plus, je m’endormirai ainsi, sur votre épaule… Dites-moi encore que vous m’aimez.

— Je vous aime, comme je vous aimais hier,