Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/259

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comme je vous aimerai demain… N’en doutez jamais, cela est pour l’éternité.

— Oui, pour l’éternité, nous nous aimons.

Angélique, extasiée, regardait devant elle, dans la blancheur de la chambre. Mais, peu à peu, un réveil la rendit grave. Elle réfléchissait enfin, au milieu de cette grande félicité qui l’avait étourdie. Et les faits l’étonnaient.

— Si vous m’aimez, pourquoi n’êtes-vous pas venu ?

— Vos parents m’ont dit que vous n’aviez plus d’amour pour moi. J’ai manqué aussi d’en mourir… Et c’est lorsque je vous ai sue malade, que je me suis décidé, quitte à être chassé de cette maison, dont on me fermait la porte.

— Ma mère me disait également que vous ne m’aimiez plus, et j’ai cru ma mère… Je vous avais rencontré avec cette demoiselle, je pensais que vous obéissiez à Monseigneur.

— Non, j’attendais. Mais j’ai été lâche, j’ai tremblé devant lui.

Il y eut un silence. Angélique s’était redressée. Sa face devenait dure, le front coupé d’un pli de colère.

— Alors, on nous a trompés l’un et l’autre, on nous a menti pour nous séparer… Nous nous aimions, et on nous a torturés, on a failli nous tuer tous les deux… Eh bien ! c’est abominable, cela nous délie de nos serments. Nous sommes libres.