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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/260

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Un furieux mépris l’avait mise debout. Elle ne sentait plus son mal, ses forces revenaient, dans ce réveil de sa passion et de son orgueil. Avoir cru son rêve mort, et tout d’un coup le retrouver vivant et rayonnant ! se dire qu’ils n’avaient pas démérité de leur amour, que les coupables étaient les autres ! Ce grandissement d’elle-même, ce triomphe enfin certain, l’exaltaient, la jetaient à une révolte Suprême.

— Allons, partons ! dit-elle simplement.

Et elle marchait par la chambre, vaillante, dans toute son énergie et sa volonté. Déjà, elle choisissait un manteau pour s’en couvrir les épaules. Une dentelle, sur sa tête, suffirait.

Félicien avait eu un cri de bonheur, car elle devançait son désir, il ne songeait qu’à cette fuite, sans trouver l’audace de la lui proposer. Oh ! partir ensemble, disparaître, couper court à tous les ennuis, à tous les obstacles ! Et cela à l’instant, en s’évitant même le combat de la réflexion !

— Oui, tout de suite, partons, ma chère âme. Je venais vous prendre, je sais où nous aurons une voiture. Avant le jour, nous serons loin, si loin, que jamais personne ne pourra nous rejoindre.

Elle ouvrait des tiroirs, les refermait violemment, sans rien y prendre, dans une exaltation croissante. Comment ! elle se torturait depuis des semaines, elle avait travaillé à le chasser de sa mémoire, même elle croyait y avoir réussi ! et il