Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/261

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n’y avait rien de fait, et cet affreux travail était à refaire ! Non, jamais elle n’aurait cette force. Puisqu’ils s’aimaient, c’était bien simple : ils s’épousaient, aucune puissance ne les détacherait l’un de l’autre.

— Voyons, que dois-je emporter ?… Ah ! j’étais sotte, avec mes scrupules d’enfant. Quand je songe qu’ils sont descendus jusqu’à mentir ! Oui, je serais morte, qu’ils ne vous auraient pas appelé… Faut-il prendre du linge, des vêtements, dites ? Voici une robe plus chaude… Et ils m’avaient mis un tas d’idées, un tas de peurs dans la tête. Il y a le bien, il y a le mal, ce qu’on peut faire, ce qu’on ne peut pas faire, des choses compliquées, à vous rendre imbécile. Ils mentent toujours, ce n’est pas vrai : il n’y a que le bonheur de vivre, d’aimer celui qui vous aime… Vous êtes la fortune, la beauté, la jeunesse, mon cher seigneur, et je me donne à vous, à jamais, entièrement, et mon unique plaisir est en vous, et faites de moi ce qu’il vous plaira.

Elle triomphait, dans une flambée de tous les feux héréditaires que l’on croyait morts. Des musiques l’enivraient ; elle voyait leur royal départ, ce fils de princes l’enlevant, la faisant reine d’un royaume lointain ; et elle le suivait, pendue à son cou, couchée sur sa poitrine, dans un tel frisson de passion ignorante, que tout son corps en défaillait de joie. N’être plus que tous les deux,