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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/267

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l’armoire, alla ainsi devant les autres meubles. Certainement, des liens secrets les unissaient à sa personne. Les murs blancs surtout, la grande blancheur du plafond mansardé, l’enveloppaient d’une robe de candeur, dont elle ne se serait dévêtue qu’avec des larmes. Désormais, tout cela faisait partie de son être, le milieu était entré en elle. Et elle le comprit davantage, lorsqu’elle se trouva en face du métier, resté sous la lampe, à côté de la table. Son cœur fondait, à voir la rose commencée, qu’elle ne finirait jamais, si elle partait de la sorte, en criminelle. Les années de travail s’évoquaient dans sa mémoire, ces années si sages, si heureuses, une si longue habitude de paix et d’honnêteté, que révoltait la pensée d’une faute. Chaque jour, la petite maison fraîche des brodeurs, la vie active et pure qu’elle y menait, à l’écart du monde, avaient refait un peu du sang de ses veines.

Mais lui, la voyant ainsi reconquise par les choses, sentit le besoin de hâter le départ.

— Venez, l’heure s’écoule, bientôt il ne sera plus temps.

Alors, la lumière se fit complète, elle cria :

— Il est déjà trop tard… Vous voyez bien que je ne peux pas vous suivre. Il y avait en moi, jadis, une passionnée et une orgueilleuse qui aurait jeté ses deux bras à votre cou, pour que vous l’emportiez. Mais on m’a changée, je ne me retrouve plus… Vous n’entendez donc pas que tout, dans