Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/269

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entier, les herbes, les arbres, toute la vie paisible de ce coin sacré, travaillant à la paix de ma propre vie. Et les voix viennent de plus loin encore, des ormes de l’Évêché, de cet horizon de branches, dont la moindre s’intéresse à ma victoire… Puis, tenez ! cette grande voix souveraine, c’est ma vieille amie la cathédrale, qui m’a instruite, éternellement éveillée dans la nuit. Chacune de ses pierres, les colonnettes de ses fenêtres, les clochetons de ses contreforts, les arcs-boutants de son abside, ont un murmure que je distingue, une langue que je comprends. Écoutez ce qu’ils disent, que même dans la mort l’espérance reste. Lorsqu’on s’est humilié, l’amour demeure et triomphe… Et enfin, tenez ! l’air lui-même est plein d’un chuchotement d’âmes, voici mes compagnes les vierges qui arrivent, invisibles. Écoutez, écoutez !

Souriante, elle avait levé la main, d’un geste d’attention profonde. Tout son être était ravi dans les souffles épars. C’étaient les vierges de la Légende, que son imagination évoquait comme en son enfance, et dont le vol mystique sortait du vieux livre, aux images naïves, posé sur la table. Agnès, d’abord, vêtue de ses cheveux, ayant au doigt l’anneau de fiançailles du prêtre Paulin. Puis, toutes les autres, Barbe avec sa tour, Geneviève avec ses agneaux, Cécile avec sa viole, Agathe aux mamelles arrachées, Élisabeth mendiant par les routes, Catherine triomphant des docteurs. Un