Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

miracle rend Luce si pesante, que mille hommes et cinq paires de bœufs ne peuvent la traîner à un mauvais lieu. Le gouverneur qui veut embrasser Anastasie, devient aveugle. Et toutes, dans la nuit claire, volent, très blanches, la gorge encore ouverte par le fer des supplices, laissant couler, au lieu du sang, des fleuves de lait. L’air en est candide, les ténèbres s’éclairent comme d’un ruissellement d’étoiles. Ah ! mourir d’amour comme elles, mourir vierge, éclatante de blancheur, au premier baiser de l’époux !

Félicien s’était rapproché.

— Je suis celui qui existe, Angélique, et vous me refusez pour des rêves…

— Des rêves, murmura-t-elle.

— Car, si elles vous entourent, ces visions, c’est que vous même les avez créées… Venez, ne mettez plus rien de vous dans les choses, elles se tairont.

Elle eut un mouvement d’exaltation.

— Oh ! non, qu’elles parlent, qu’elles parlent plus haut ! Elles sont ma force, elles me donnent le courage de vous résister… C’est la grâce, et jamais elle ne m’a inondée d’une pareille énergie. Si elle n’est qu’un rêve, le rêve que j’ai mis à mon entour et qui me revient, qu’importe ! Il me sauve, il m’emporte sans tache, au milieu des apparences… Oh ! renoncez, obéissez comme moi. Je ne veux pas vous suivre.