Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Riche comme un roi, beau comme un dieu, répéta inconsciemment Angélique, de sa voix de songe.

Et, d’une main machinale, elle prit sur le métier une broche chargée de fil d’or, pour se mettre à la broderie en guipure d’un grand lis. Après avoir dépassé le fil du bec de la broche, elle en fixa le bout avec un point de soie, au bord même du vélin, qui faisait épaisseur. Puis, travaillant, elle dit encore, sans achever sa pensée, perdue dans le vague de son désir :

— Oh ! moi, ce que je voudrais, ce que je voudrais…

Le silence retomba, profond, troublé seulement par un chant affaibli qui venait de l’église. Hubert ordonnait son dessin, en repassant, avec un pinceau, toutes les lignes pointillées de la ponçure ; et les ornements de la chape apparaissaient ainsi, en blanc, sur la soie rouge. Ce fut lui qui, de nouveau, parla.

— Ces temps anciens, c’était si magnifique ! Les seigneurs portaient des vêtements tout raides de broderies. À Lyon, on en vendait l’étoffe jusqu’à six cents livres l’aune. Il faut lire les statuts et ordonnances des maîtres brodeurs, où il est dit que les brodeurs du roi ont le droit de réquisitionner par la force armée les ouvrières des autres maîtres… Et nous avions des armoiries : d’azur, à la fasce diaprée d’or, accompagnée de trois fleurs de lys de