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LES ROUGON-MACQUART.

en brosse, qui tenait sous chacun de ses bras une oie grasse, dont la tête pendait et lui tapait sur les cuisses. Et, brusquement, il eut un geste de joie ; il courut derrière cet homme, oubliant sa fatigue. Quand il l’eut rejoint :

— Gavard ! dit-il, en lui frappant sur l’épaule.

L’autre leva la tête, examina d’un air surpris cette longue figure noire qu’il ne reconnaissait pas. Puis, tout d’un coup :

— Vous ! Vous ! s’écria-t-il au comble de la stupéfaction. Comment, c’est vous !

Il manqua laisser tomber ses oies grasses. Il ne se calmait pas. Mais, ayant aperçu sa belle-sœur et mademoiselle Saget, qui assistaient curieusement de loin à leur rencontre, il se remit à marcher, en disant :

— Ne restons pas là, venez… Il y a des yeux et des langues de trop.

Et, sous la rue couverte, ils causèrent. Florent raconta qu’il était allé rue Pirouette. Gavard trouva cela très drôle ; il rit beaucoup, il lui apprit que son frère Quenu avait déménagé et rouvert sa charcuterie à deux pas, rue Rambuteau, en face des Halles. Ce qui l’amusa encore prodigieusement, ce fut d’entendre que Florent s’était promené tout le matin avec Claude Lantier, un drôle de corps, qui était justement le neveu de madame Quenu. Il allait le conduire à la charcuterie. Puis, quand il sut qu’il était rentré en France avec de faux papiers, il prit toutes sortes d’airs mystérieux et graves. Il voulut marcher devant lui, à cinq pas de distance, pour ne pas éveiller l’attention. Après avoir passé par le pavillon de la volaille, où il accrocha ses deux oies à son étalage, il traversa la rue Rambuteau, toujours suivi par Florent. Là, au milieu de la chaussée, du coin de l’œil, il lui désigna une grande et belle boutique de charcuterie.

Le soleil enfilait obliquement la rue Rambuteau, allumant les façades, au milieu desquelles l’ouverture de la rue Pi-