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LES ROUGON-MACQUART

cendit ; puis, les yeux au plafond, avec une expression d’effroi, elle jeta le cri :

Je tremble !

Et la scène s’engagea, les huit avocats, employés et propriétaires, le nez sur leurs parties, dans des poses d’écoliers qui ânonnent une page de grec, juraient qu’ils étaient prêts à délivrer la France. Ce début fut une surprise, car les voix s’étouffaient sous le plafond bas, on ne saisissait qu’un bourdonnement, comme un bruit de charrettes chargées de pavés, dont les vitres tremblaient. Mais, quand la phrase mélodique de Saint-Bris : « Pour cette cause sainte… » déroula le thème principal, des dames se reconnurent et hochèrent la tête, d’un air d’intelligence. Le salon s’échauffait, les seigneurs criaient à la volée : « Nous le jurons !… Nous vous suivrons ! » ; et, chaque fois, c’était une explosion qui allait frapper chaque invité en pleine poitrine.

— Ils chantent trop fort, murmura Octave à l’oreille de madame Hédouin.

Elle ne bougea pas. Alors, comme les explications de Nevers et de Valentine l’ennuyaient, d’autant plus que l’auditeur au conseil d’État était un faux baryton, il correspondit avec Trublot qui, en attendant l’entrée des moines, lui indiquait, d’un pincement de paupières, la fenêtre où Berthe continuait d’emprisonner Auguste. Maintenant, ils y étaient seuls, dans l’air frais du dehors ; tandis que, l’oreille tendue, Hortense se tenait en avant, appuyée contre le rideau, dont elle tordait l’embrasse, machinalement. Personne ne les regardait plus, madame Josserand et madame Dambreville avaient elles-mêmes détourné les yeux, après un échange instinctif de regards.

Cependant, Clotilde, les mains sur le clavier, empor-