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LES ROUGON-MACQUART

On appela ces messieurs, du fond de la salle à manger. L’abbé Mauduit, resté un moment seul, au milieu du salon vide, regardait de loin l’écrasement des invités. Son visage gras et fin exprimait une tristesse. Lui qui confessait ces dames et ces demoiselles, les connaissait toutes dans leur chair, comme le docteur Juillerat, et il avait dû finir par ne plus veiller qu’aux apparences, en maître de cérémonie jetant sur cette bourgeoisie gâtée le manteau de la religion, tremblant devant la certitude d’une débâcle finale, le jour où le chancre se montrerait au plein soleil. Parfois, des révoltes le prenaient, dans sa foi ardente et sincère de prêtre. Mais son sourire reparut, il accepta une tasse de thé que Berthe vint lui offrir, causa une minute avec elle pour couvrir de son caractère sacré le scandale de la fenêtre ; et il redevenait l’homme du monde, résigné à exiger uniquement une bonne tenue de ces pénitentes, qui lui échappaient et qui auraient compromis Dieu.

— Allons, c’est propre ! murmura Octave, dont le respect pour la maison recevait un nouveau coup.

Et, voyant madame Hédouin se diriger vers l’antichambre, il voulut la devancer, il suivit Trublot, qui partait. Son projet était de la reconduire. Elle refusa ; minuit sonnait à peine, et elle logeait si près. Alors, une rose s’étant détachée du bouquet de son corsage, il la ramassa de dépit et affecta de la garder. Les beaux sourcils de la jeune femme se froncèrent ; puis, elle dit de son air tranquille :

— Ouvrez-moi donc la porte, monsieur Octave… Merci.

Quand elle fut descendue, le jeune homme, gêné, chercha Trublot. Mais Trublot, comme chez les Josserand, venait de disparaître. Cette fois encore il devait avoir enfilé le couloir de la cuisine.