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POT-BOUILLE

Octave, mécontent, alla se coucher, sa rose à la main. En haut, il aperçut Marie, penchée sur la rampe, à la place où il l’avait laissée ; elle guettait son pas, elle était accourue le regarder monter. Et, lorsqu’elle l’eut fait entrer chez elle :

— Jules n’est pas encore là… Vous êtes-vous bien amusé ? Y avait-il de belles toilettes ?

Mais elle n’attendit pas sa réponse. Elle venait d’apercevoir la rose, elle était prise d’une gaieté d’enfant.

— C’est pour moi, cette fleur ? Vous avez pensé à moi ?… Ah ! que vous êtes gentil ! que vous êtes gentil !

Et elle avait des larmes plein les yeux, confuse, très rouge. Alors, Octave, tout d’un coup remué, la baisa tendrement.

Vers une heure, les Josserand rentrèrent à leur tour. Adèle laissait, sur une chaise, un bougeoir avec des allumettes. Quand la famille, qui n’avait pas échangé une parole en montant, se retrouva dans la salle à manger, d’où elle était descendue désespérée, elle céda brusquement à un coup de joie folle, délirant, se prenant par les mains, dansant une danse de sauvages autour de la table ; le père lui-même obéit à la contagion, la mère battait des entrechats, les filles poussaient de petits cris inarticulés ; tandis que la bougie, au milieu, détachait leurs grandes ombres, qui cabriolaient le long des murs.

— Enfin, c’est fait ! dit madame Josserand, essoufflée, en tombant sur un siège.

Mais elle se releva tout de suite, dans une crise d’attendrissement maternel, et elle courut poser deux gros baisers sur les joues de Berthe.

— Je suis contente, bien contente de toi, ma chérie. Tu viens de me récompenser de tous mes efforts… Ma