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POT-BOUILLE

— Ce n’est pas vrai, je l’ai vu là, à l’instant.

— Oh ! fichue entêtée !… Vas-y toi-même.

Hortense traversa le salon, également en blanc, avec une large ceinture bleue ; et elle était vieillie, les traits durs, le teint jaune, dans les pâleurs transparentes de la mousseline. Elle revint furieuse avec le bouquet de la mariée, qu’on cherchait rageusement depuis cinq minutes, au milieu de l’appartement bouleversé.

— Enfin, que voulez-vous ? dit pour conclure madame Dambreville, on ne se marie jamais comme on veut… Le plus sage est encore de s’arranger après, le mieux possible.

Cette fois, Angèle et Hortense ouvraient la porte à deux battants, pour que la mariée n’accrochât pas son voile ; et Berthe parut, en robe de soie blanche, toute fleurie de fleurs blanches, la couronne blanche, le bouquet blanc, la jupe traversée d’une guirlande blanche, qui s’en allait mourir sur la traîne, en une pluie de petits boutons blancs. Dans cette blancheur, elle était charmante, avec son teint frais, ses cheveux dorés, ses yeux rieurs, sa bouche candide de fille déjà savante.

— Oh ! délicieuse ! s’écrièrent ces dames.

Toutes l’embrassèrent d’un air d’extase. Les Josserand, aux abois, ne sachant où prendre les deux mille francs que devait coûter la noce, cinq cents francs de toilette, et quinze cents francs pour leur part de dîner et du bal, s’étaient vus forcés d’envoyer Berthe chez le docteur Chassagne, près de Saturnin, auquel une tante venait de laisser trois mille francs ; et Berthe, ayant obtenu de sortir son frère en voiture, pour le distraire un peu, l’avait étourdi de caresses dans le fiacre, puis était montée un instant avec lui chez le notaire, qui ignorait la situation du pauvre être, et où l’on n’attendait plus que sa signature. Aussi la robe de soie et les fleurs prodiguées surprenaient-elles ces dames,