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POT-BOUILLE

non !… Ça ne se passera pas comme ça, car je le connais…

Sa sœur l’avait pris par le bras, le serrait, le secouait avec autorité.

— Tais-toi ! tu ne vois donc pas où tu es ?… Ce n’est pas le moment, entends-tu !

Mais il repartait.

— C’est le moment !… Je me fiche des autres. Tant pis, si ça tombe aujourd’hui ! Ça servira de leçon à tout le monde.

Pourtant, il baissait le ton, il s’était affaissé sur une chaise, à bout de force, près d’éclater en larmes. Une grande gêne avait envahi le salon. Poliment, madame Dambreville et madame Juzeur s’écartaient, faisaient mine de ne pas comprendre. Madame Josserand, très contrariée d’une aventure dont le scandale allait jeter un deuil sur la noce, était passée dans la chambre, pour donner du courage à Valérie. Quant à Berthe, qui étudiait sa couronne devant la glace, elle n’avait pas entendu. Aussi, à demi-voix, questionnait-elle Hortense. Il y eut un chuchotement, celle-ci lui désigna Théophile d’un coup d’œil, ajouta des explications, tout en affectant de régulariser les plis du voile.

— Ah ! dit simplement la mariée, l’air chaste et amusé, les regards fixés sur le mari, sans qu’un trouble l’émotionnât, dans son auréole de fleurs blanches.

Clotilde interrogeait tout bas son frère. Madame Josserand reparut, échangea quelques mots avec elle, puis retourna dans la pièce voisine. Ce fut un échange de notes diplomatiques. Le mari accusait Octave, ce calicot qu’il giflerait à l’église, s’il osait y venir. Justement, il jurait l’avoir vu, la veille, sur les marches de Saint-Roch, avec sa femme ; d’abord, il avait douté, mais il était certain maintenant : tout s’y trouvait, la taille, la démarche. Oui, madame inventait des déjeuners chez