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POT-BOUILLE

chez les Pichon, il l’avait trouvé immobile ainsi que la veille, en train de guetter derrière la porte de l’escalier de service. Il le suivit, sans même oser lui adresser la parole. Le concierge, gravement, redescendait le grand escalier. À l’étage au-dessous, il tira une clef de sa poche, entra dans la chambre louée au monsieur distingué, qui venait y travailler une nuit chaque semaine. Et, par la porte un moment ouverte, Octave vit nettement cette chambre, toujours close comme une tombe. Elle était, ce matin-là, dans un terrible désordre, le monsieur ayant sans doute travaillé la veille : un grand lit aux draps arrachés, une armoire à glace vide où l’on apercevait un reste de homard et des bouteilles entamées, deux cuvettes sales traînant, l’une devant le lit, l’autre sur une chaise. Tout de suite, M. Gourd, de son air froid de magistrat retraité, s’était mis à vider et à rincer les cuvettes.

En courant au passage de la Madeleine payer le chapeau, le jeune homme se débattit dans une incertitude douloureuse. Enfin, lorsqu’il rentra, il résolut de faire causer les concierges. Madame Gourd, devant la fenêtre ouverte de la loge, entre deux pots de fleurs, prenait l’air, allongée au fond de son grand fauteuil. Près de la porte, debout, la mère Pérou attendait, la mine humble et effarée.

— Vous n’avez pas de lettre pour moi ? demanda Octave, comme entrée en matière.

Justement, M. Gourd descendait de la chambre du troisième. Ce ménage était le seul travail qu’il eût conservé dans la maison ; et il se montrait flatté de la confiance du monsieur, qui le payait très cher, à la condition que les cuvettes ne passeraient point par d’autres mains.

— Non, monsieur Mouret, rien du tout, répondit-il.

Il avait bien aperçu la mère Pérou, mais il affectait