Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
LES ROUGON-MACQUART

de ne pas la voir. La veille, il s’était emporté contre elle jusqu’à la flanquer dehors, pour un seau d’eau répandu au milieu du vestibule. Et elle venait chercher son argent, prise d’un tremblement devant lui, se reculant dans les murs avec humilité.

Pourtant, comme Octave s’attardait à faire l’aimable avec madame Gourd, le concierge se tourna brutalement vers la vieille femme.

— Alors, il faut vous payer… Qu’est-ce qu’on vous doit ?

Mais madame Gourd l’interrompit.

— Chéri, regarde donc, voilà encore cette fille et son affreuse bête.

C’était Lisa qui, depuis quelques jours, avait ramassé un épagneul sur un trottoir. De là, de continuelles discussions avec les concierges. Le propriétaire ne voulait pas de bêtes dans la maison. Non, pas de bêtes et pas de femmes ! Déjà la cour était interdite au petit chien ; il pouvait bien faire dehors. Comme la pluie tombait depuis le matin, et qu’il rentrait les pattes trempées, M. Gourd se précipita, en criant :

— Je ne veux pas qu’il monte, entendez-vous !… Prenez-le dans vos bras.

— Tiens ! pour me salir ! dit Lisa insolente. En v’là un malheur, s’il mouillait un peu l’escalier de service !… Va, mon loulou.

M. Gourd voulut le saisir, faillit glisser, s’emporta contre ces saletés de bonnes. Toujours, il était en guerre avec elles, tourmenté d’une rage d’ancien domestique, qui se fait servir à son tour. Mais, du coup, Lisa revint sur lui, et avec le bagou d’une fille grandie dans les ruisseaux de Montmartre :

— Eh ! dis-donc, veux-tu me lâcher, larbin dégommé !… Va donc vider les pots de chambre de monsieur le duc !