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Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/325

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POT-BOUILLE

C’était la seule injure qui réduisît M. Gourd au silence. Les bonnes en abusaient. Il rentra frémissant, mâchant de sourdes paroles, disant que sans doute il était fier d’avoir servi chez monsieur le duc, et qu’elle n’y serait pas seulement restée deux heures, elle, cette pourriture ! Puis, il tomba sur la mère Pérou, qui tressaillit.

— Qu’est-ce qu’on vous doit à la fin !… Hein ? vous dites douze francs soixante-cinq… Mais ce n’est pas possible ! Soixante-trois heures à vingt centimes l’heure… Ah ! vous comptez un quart d’heure. Jamais de la vie ! Je vous ai prévenue, je ne paie pas les quarts d’heure commencés.

Et il ne lui donna pas encore son argent, il la laissa terrifiée, pour se mêler à la conversation de sa femme et d’Octave. Celui-ci, adroitement, parlait des tracas que devait leur causer une maison pareille, tâchant ainsi de les mettre sur le chapitre des locataires. Il devait se passer derrière les portes tant de choses étranges ! Alors, le concierge intervint, avec sa gravité.

— Ce qui nous regarde, nous regarde, monsieur Mouret, et ce qui ne nous regarde pas, ne nous regarde pas… Tenez ! voilà une chose, par exemple, qui me met hors de moi. Voyez ça, voyez ça !

Et, le bras tendu, il montrait sous la voûte la piqueuse de bottines, cette grande fille pâle qui était entrée dans la maison, en plein enterrement. Elle marchait avec peine, poussant devant elle un ventre énorme de femme enceinte, exagéré encore par la maigreur maladive de son cou et de ses jambes.

— Quoi donc ? demanda Octave naïvement.

— Comment ! vous ne voyez pas… Ce ventre ! ce ventre !

C’était ce ventre qui exaspérait M. Gourd. Un ventre de fille pas mariée, qu’elle avait apporté on ne savait d’où, car elle était toute plate en donnant le denier à