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LES ROUGON-MACQUART

Dieu ! Oh ! sans cela, certes, jamais on ne lui aurait loué. Et son ventre avait grossi sans mesure, hors de toute proportion.

— Vous comprenez, monsieur, expliquait le concierge, mon ennui et celui du propriétaire, le jour où je me suis aperçu de la chose. Elle aurait dû prévenir, n’est-ce pas ? on ne s’introduit pas chez les gens, avec une affaire pareille cachée sous la peau… Mais, dans les commencements, ça se voyait à peine, c’était possible, je ne disais trop rien. Enfin, j’espérais qu’elle y mettrait de la discrétion. Ah bien ! oui, je la surveillais, il poussait à vue d’œil, il me consternait par ses progrès rapides. Et, regardez, regardez aujourd’hui ! elle ne tente rien pour le contenir, elle le lâche… Le porche n’est plus assez large pour elle !

D’un bras tragique, il la montrait toujours, pendant qu’elle se dirigeait vers l’escalier de service. Le ventre, maintenant, lui semblait jeter son ombre sur la propreté froide de la cour, et jusque sur les faux marbres et les zincs dorés du vestibule. C’était lui qui s’enflait, qui emplissait l’immeuble d’une chose déshonnête, dont les murs gardaient un malaise. À mesure qu’il avait poussé, il s’était produit comme une perturbation dans la moralité des étages.

— Ma parole d’honneur ! monsieur, si ça devait continuer, nous aimerions mieux nous retirer chez nous, à Mort-la-Ville, n’est-ce pas ? madame Gourd ; car Dieu merci ! nous avons de quoi vivre, nous n’attendons après personne… Une maison comme la nôtre affichée par un ventre pareil ! car il l’affiche, monsieur ; oui, on le regarde, quand il entre !

— Elle a l’air très souffrante, dit Octave en la suivant des yeux, sans trop oser la plaindre. Je la vois toujours si triste, si pâle, dans un tel abandon… Mais elle a un amant sans doute.