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POT-BOUILLE

bercé là dedans, assourdi par un tapage de glaces fêlées, la fièvre qui le soutenait devant sa famille depuis le matin, se calma. Quelle aventure stupide tout de même ! Et sa face devint grise, il prit entre les mains sa tête, qui le faisait beaucoup souffrir.

Rue d’Enghien, ce fut un nouvel ennui. D’abord, la porte du commissionnaire en marchandises était tellement encombrée de camions, qu’il manqua se faire écraser ; ensuite, il tomba, au milieu de la cour vitrée, sur une bande d’emballeurs clouant violemment des caisses, et dont pas un ne put dire où était Bachelard. Les coups de marteau lui fendaient le crâne, il allait pourtant se résoudre à attendre l’oncle, lorsqu’un apprenti, apitoyé par son air de souffrance, vint couler à son oreille une adresse : mademoiselle Fifi, rue Saint-Marc, au troisième étage. Le père Bachelard devait y être.

— Vous dites ? demanda le cocher qui s’était endormi.

— Rue Saint-Marc, et un peu plus vite, si c’est possible.

Le fiacre reprit son train d’enterrement. Sur le boulevard, il se fit accrocher par un omnibus. Les panneaux craquaient, les ressorts jetaient des cris plaintifs, une mélancolie noire envahissait de plus en plus le mari en quête de son témoin. On arriva pourtant rue Saint-Marc.

Au troisième, une petite vieille, blanche et grasse, ouvrit la porte. Elle semblait très émotionnée, elle fit entrer Auguste tout de suite, quand il eut demandé M. Bachelard.

— Ah ! monsieur, vous êtes de ses amis bien sûr. Tâchez donc de le calmer. Il a eu tout à l’heure une contrariété, ce pauvre cher homme… Vous me connaissez sans doute, il a dû vous parler de moi : je suis mademoiselle Menu.