Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
432
LES ROUGON-MACQUART

devenait inhabitable chez eux ; à sa place, elle préférerait recevoir des gifles de son mari que de sa mère, car c’était plus naturel ; elle, d’ailleurs, quand elle aurait épousé Verdier, flanquerait carrément sa mère à la porte, pour ne pas avoir des scènes pareilles dans son ménage. À ce moment, Adèle vint desservir la table ; mais Hortense continua, disant qu’on se ferait donner congé, si ça recommençait ; et la bonne partagea cette opinion : elle avait dû fermer la fenêtre de la cuisine, parce que déjà Lisa et Julie allongeaient le nez. Du reste, ça lui semblait drôle, elle riait encore ; madame Berthe en avait reçu une fameuse ; tant que de tués et de blessés, elle était la plus malade. Puis, roulant sa taille épaisse, elle eut un mot de profonde philosophie : après tout, la maison s’en fichait, fallait bien vivre, on ne se rappellerait même plus madame et ses deux messieurs dans huit jours. Hortense, qui l’approuvait d’un hochement de tête, l’interrompit pour se plaindre du beurre, dont elle avait la bouche empestée. Dame ! du beurre à vingt-deux sous, ça ne pouvait être que de la poison. Et, comme il laissait au fond des casseroles un résidu infect, Adèle expliquait qu’il n’était pas même économique, lorsqu’un bruit sourd, un lointain ébranlement du plancher, leur fit brusquement prêter l’oreille. Berthe, inquiète, avait enfin levé la tête.

— Qu’est-ce donc ? demanda-t-elle.

— C’est peut-être madame et l’autre dame, dans le salon, dit Adèle.

Madame Josserand venait d’avoir un sursaut de surprise, en traversant le salon. Une femme était là, toute seule.

— Comment ! c’est encore vous ! cria-t-elle, quand elle eut reconnu madame Dambreville, qu’elle avait oubliée.

Celle-ci ne bougeait pas. Les querelles de la famille,