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LES ROUGON-MACQUART

précipita dans la salle à manger, interpella ses filles.

— Qu’y a-t-il, c’est le sucrier qui est tombé ?

— Non, maman… Nous ne savons pas.

Elle se retournait, elle cherchait Adèle, lorsqu’elle l’aperçut écoutant à la porte de la chambre à coucher.

— Que faites-vous donc ? cria-t-elle. On brise tout dans votre cuisine, et vous êtes là, à moucharder monsieur. Oui, oui, on commence par les pruneaux, et on finit par autre chose. Depuis quelque temps, vous avez des allures qui me déplaisent, vous sentez l’homme, ma fille…

La bonne, les yeux écarquillés, la regardait. Elle l’interrompit.

— C’est pas tout ça… Je crois bien que c’est monsieur qui est tombé, là dedans.

— Mon Dieu ! elle a raison, dit Berthe en pâlissant, on aurait dit la chute d’un corps.

Alors, elles pénétrèrent dans la chambre. Devant le lit, M. Josserand gisait, pris de faiblesse ; sa tête avait porté sur une chaise, un mince filet de sang coulait de l’oreille droite. La mère, les deux filles, la bonne, l’entourèrent, l’examinèrent. Berthe seule pleurait, reprise des gros sanglots dont la gifle l’avait secouée. Et, quand elles voulurent, à elles quatre, le soulever pour le mettre sur le lit, elles l’entendirent qui murmurait :

— C’est fini… Elles m’ont tué.