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LES ROUGON-MACQUART

leurs lui firent rouvrir les yeux. C’étaient, à fleur de peau, des pincements ; elle crut d’abord qu’une mouche lui piquait le ventre, autour du nombril ; puis, ces piqûres cessèrent, elle ne s’en inquiéta pas, accoutumée aux choses étranges et inexplicables qui se passaient en elle. Mais, brusquement, au bout d’une demi-heure à peine d’un mauvais sommeil, une tranchée sourde l’éveilla de nouveau. Cette fois, elle se mit en colère. Est-ce qu’elle allait avoir des coliques, maintenant ? Elle serait fraîche, le lendemain, s’il lui fallait courir à son pot toute la nuit ! Cette idée d’un embarras d’entrailles l’avait préoccupée dans la soirée ; elle sentait une pesanteur, elle attendait une débâcle. Pourtant, elle voulut résister, se frotta le ventre, crut avoir calmé la douleur. Un quart d’heure s’écoula, et la douleur revint, plus violente.

— Cré nom d’un chien ! dit-elle à demi-voix, en se décidant cette fois à se lever.

Dans l’obscurité, elle tira son pot, s’accroupit, s’épuisa en efforts inutiles. La chambre était glacée, elle grelottait. Au bout de dix minutes, comme les coliques se calmaient, elle se recoucha. Mais, dix minutes plus tard, les coliques recommençaient. Elle se releva, essaya encore inutilement, et rentra toute froide dans son lit, où elle goûta un autre moment de repos. Puis, ça la tordit avec une telle force, qu’elle étouffa une première plainte. Était-ce bête à la fin ! avait-elle envie, ou n’avait-elle pas envie ? Maintenant, les douleurs persistaient, presque continues, avec des secousses plus rudes, comme si une main brutale, dans le ventre, la serrait quelque part. Et elle comprit, elle eut un grand frisson, en bégayant sous la couverture :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! c’est donc ça !

Une angoisse l’envahissait, un besoin de marcher, de promener son mal. Elle ne put rester au lit davantage,