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POT-BOUILLE

ment de migraine, et il appuyait par moments son front aux vitres glacées.

D’ailleurs, Octave vint fort tard. Comme il arrivait sur le palier, il s’y rencontra avec madame Juzeur, qui descendait, enveloppée d’un châle. Elle se plaignait de la poitrine, elle s’était levée, pour ne pas manquer de parole aux Duveyrier. Son état languissant ne l’empêcha pas de se jeter dans les bras du jeune homme, en le félicitant de son mariage.

— Que je suis heureuse de ce beau résultat, mon ami ! Vrai ! j’en désespérais pour vous, jamais je n’aurais cru que vous réussiriez… Dites, mauvais sujet, que lui avez-vous donc fait encore, à celle-là ?

Octave, souriant, lui baisa les doigts. Mais quelqu’un qui montait avec une légèreté de chèvre, les dérangea ; et, très surpris, il crut reconnaître Saturnin. C’était en effet Saturnin, sorti depuis une semaine de l’asile des Moulineaux, où le doctor Chassagne refusait une seconde fois de le garder davantage, ne jugeant toujours pas, chez lui, la folie assez caractérisée. Sans doute, il allait passer la soirée chez Marie Pichon, comme jadis, lorsque ses parents recevaient. Et, brusquement, furent évoqués les jours anciens. Octave entendait venir d’en haut une voix mourante, la romance dont Marie berçait le vide de ses heures ; il la revoyait éternellement seule, près du berceau où dormait Lilitte, attendant le retour de Jules, avec sa complaisance de femme inutile et douce.

— Je vous souhaite tous les bonheurs en ménage, répétait madame Juzeur, qui lui serrait tendrement les mains.

Pour ne pas entrer avec elle dans le salon, il s’attardait à retirer son paletot, lorsque Trublot, en habit, nu-tête, l’air bouleversé, déboucha du couloir de la cuisine.