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LES ROUGON-MACQUART.

en présence ? M. La Rouquette, très-perplexe, crut flairer un événement grave. Il vint questionner M. de Plouguern, qui s’amusa à lui répondre :

— Dame ! Rougon va peut-être culbuter Marsy, et l’on fera bien de le ménager… À moins pourtant que l’empereur n’ait pas songé à mal. Ça lui arrive quelquefois… Peut-être aussi a-t-il voulu prendre seulement le plaisir de les voir ensemble, en espérant qu’ils seraient drôles.

Mais les chuchotements cessèrent, un grand mouvement eut lieu. Deux officiers du palais allaient de groupe en groupe, en murmurant une phrase à demi-voix. Et les invités, redevenus subitement graves, se dirigèrent vers la porte de gauche, où ils formèrent une double haie, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Près de la porte se plaça M. de Marsy, qui garda Rougon à son côté ; puis, les autres personnages s’échelonnèrent, selon leur rang ou leur grade. Là, on attendit encore trois minutes, dans un grand recueillement.

La porte s’ouvrit à deux battants. L’empereur, en habit, la poitrine barrée par la tache rouge du grand cordon, entra le premier, suivi du chambellan de service, M. de Combelot. Il eut un faible sourire, en s’arrêtant devant M. de Marsy et Rougon ; il tordait sa longue moustache d’une main lente, avec un balancement de tout son corps. Puis, d’une voix embarrassée, il murmura :

— Vous direz à madame Rougon toute la peine que nous avons éprouvée en la sachant malade… Nous aurions vivement désiré la voir avec vous… Enfin, ce ne sera rien, il faut l’espérer. Il y a beaucoup de rhumes en ce moment.

Et il passa. Deux pas plus loin, il serra la main d’un général, auquel il demanda des nouvelles de son fils, qu’il appelait « mon petit ami Gaston » ; Gaston avait l’âge du prince impérial, mais il était déjà beaucoup