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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

courtes, serraient le bras des dames, involontairement, un sourire aux lèvres.

Alors, l’impératrice descendit à droite et se tint debout au milieu de la table, pendant que l’empereur, passant à gauche, venait prendre place en face d’elle. Puis, lorsque les personnes désignées se furent mises à la droite et à la gauche de Leurs Majestés, les autres couples tournèrent un instant, choisissant leur voisinage, s’arrêtant à leur guise. Ce soir-là, il y avait quatre-vingt-sept couverts. Près de trois minutes s’écoulèrent, avant que tout le monde fût entré et placé. La moire satinée des épaules, les fleurs voyantes des toilettes, les diamants des hautes coiffures, donnaient comme un rire vivant à la grande lumière des lustres. Enfin, les valets de pied prirent les chapeaux, que les hommes avaient gardés à la main. Et l’on s’assit.

M. de Plouguern avait suivi Rougon. Après le potage, il lui poussa le coude, en demandant :

— Est-ce que vous avez chargé Clorinde de vous raccommoder avec Marsy ?

Et, du coin de l’œil, il lui montrait la jeune femme, assise de l’autre côté de la table, auprès du comte, avec lequel elle causait d’une façon tendre. Rougon, l’air très-contrarié, se contenta de hausser les épaules ; puis, il affecta de ne plus regarder en face de lui. Mais, malgré son effort d’indifférence, il revenait à Clorinde, il s’intéressait à ses moindres gestes, aux mouvements de ses lèvres, comme s’il avait voulu voir les mots qu’elle prononçait.

— Monsieur Rougon, dit en se penchant madame de Combelot, qui s’était mise le plus près possible de l’empereur, vous vous souvenez de cet accident-là ? C’est vous qui m’avez trouvé un fiacre. Tout un volant de ma robe était arraché.