Elle se rendait intéressante, en racontant que sa voiture avait failli un jour être coupée en deux par le landau d’un prince russe. Et il dut répondre. Pendant un moment, on causa de ça, au milieu de la table. On cita toutes sortes de malheurs, entre autres la chute de cheval qu’une parfumeuse du passage des Panoramas avait faite, la semaine précédente, et dans laquelle elle s’était cassé un bras. L’impératrice eut un léger cri de commisération. L’empereur ne disait rien, écoutant d’un air profond, mangeant lentement.
— Où donc s’est fourré Delestang ? demanda à son tour Rougon à M. de Plouguern.
Ils le cherchèrent. Enfin, le sénateur l’aperçut au bout de la table. Il était à côté de M. de Combelot, parmi toute une rangée d’hommes, l’oreille tendue à des propos très-libres que le brouhaha des voix couvrait. M. La Rouquette avait entamé l’histoire gaillarde d’une blanchisseuse de son pays ; le chevalier Rusconi donnait des appréciations personnelles sur les Parisiennes ; tandis que l’un des deux peintres et le romancier, plus bas, jugeaient avec des mots crus les dames dont les bras trop gras ou trop maigres les faisaient ricaner. Et Rougon, furieusement, reportait ses regards de Clorinde, de plus en plus aimable pour le comte, à son imbécile de mari, aveugle là-bas, souriant dignement des choses un peu fortes qu’il entendait.
— Pourquoi ne s’est-il pas mis avec nous ? murmura-t-il.
— Eh ! je ne le plains pas, dit M. de Plouguern. On a l’air de s’amuser, dans ce bout-là.
Puis, il continua, à son oreille :
— Je crois qu’ils arrangent madame de Llorentz. Avez-vous remarqué comme elle est décolletée ?… Il y en a un qui va sortir, pour sûr. Hein ? celui de gauche ?