ruban d’officier pour le préfet des Deux-Sèvres… J’ai également plusieurs faveurs à solliciter…
Il tira un agenda de sa poche, il continua :
— M. Béjuin supplie en grâce Votre Majesté de visiter sa cristallerie de Saint-Florent, lorsqu’elle ira à Bourges… Le colonel Jobelin désire une situation dans les palais impériaux… L’huissier Merle rappelle qu’il a obtenu la médaille militaire et souhaite un bureau de tabac pour une de ses sœurs…
— Est-ce tout ? demanda l’empereur qui s’était remis à sourire. Vous êtes un patron héroïque. Vos amis doivent vous adorer.
— Non, sire, ils ne m’adorent pas, ils me soutiennent, dit Rougon avec sa rude franchise.
Le mot parut frapper beaucoup le souverain. Rougon venait de livrer tout le secret de sa fidélité ; le jour où il aurait laissé dormir son crédit, son crédit serait mort ; et, malgré le scandale, malgré le mécontentement et la trahison de sa bande, il n’avait qu’elle, il ne pouvait s’appuyer que sur elle, il se trouvait condamné à l’entretenir en santé, s’il voulait se bien porter lui-même. Plus il obtenait pour ses amis, plus les faveurs semblaient énormes et peu méritées, et plus il était fort. Il ajouta respectueusement, avec une intention marquée :
— Je souhaite de tout mon cœur que Votre Majesté, pour la grandeur de son règne, garde longtemps autour d’elle les serviteurs dévoués qui l’ont aidée à restaurer l’empire.
L’empereur ne souriait plus. Il fit quelques pas, les yeux voilés, songeur ; et il semblait avoir blêmi, effleuré d’un frisson. Dans cette nature mystique, les pressentiments s’imposaient avec une force extrême. Il coupa court à la conversation pour ne pas conclure, remettant à plus tard l’accomplissement de sa volonté.