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LES ROUGON-MACQUART.

cette courbature de tout son être, comme s’il s’était heurté à quelque obstacle barrant sa route. Et, tout d’un coup, derrière lui, il entendit un grand piétinement, l’approche d’un galop cadencé dont tremblait le sol. Il se retourna.

C’était un cortége qui approchait, dans le gâchis de la chaussée, sous le jour navré du ciel couleur de cuivre, un retour du Bois rayant de l’éclat des uniformes les profondeurs noyées des Champs-Élysées. À la tête et à la queue, galopaient des piquets de dragons. Au milieu, roulait un landau fermé, attelé de quatre chevaux ; tandis que, aux deux portières, se tenaient deux écuyers en grand costume brodé d’or, recevant, impassibles, les éclaboussures continues des roues, couverts d’une couche de boue liquide, depuis leurs bottes à revers jusqu’à leur chapeau à claque. Et, dans le noir du landau fermé, un enfant seul apparaissait, le prince impérial, regardant le monde, ses dix doigts écartés, son nez rose écrasé contre la glace.

— Tiens ! ce crapaud ! dit en souriant un cantonnier, qui poussait une brouette.

Rougon s’était arrêté, songeur, et suivait le cortége filant dans le rejaillissement des flaques, mouchetant jusqu’aux feuilles basses des arbres.