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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

Et elle continua à se plaindre amèrement de Paris qu’elle abominait. Ils y étaient venus pour huit jours. Puis, espérant partir toutes les semaines, ils ne s’étaient rien fait envoyer. Maintenant que cela n’en finissait plus, ils s’entêtaient dans leur chambre garnie, mangeant ce que la bonne voulait bien leur servir, sans linge, presque sans vêtements. Ils n’avaient pas même une brosse, et madame Charbonnel faisait sa toilette avec un peigne cassé. Parfois, ils s’asseyaient sur leur petite malle, ils y pleuraient de lassitude et de rage.

— Et cet hôtel est si mal fréquenté ! murmura M. Charbonnel avec de gros yeux pudibonds. Il y a un jeune homme, à côté de nous. On entend des choses…

Rougon repliait la lettre.

— Ma mère, dit-il, vous donne l’excellent conseil de patienter. Je ne puis que vous engager à faire une nouvelle provision de courage… Votre affaire me paraît bonne ; mais me voilà parti, et je n’ose plus rien vous promettre.

— Nous quittons Paris demain ! cria madame Charbonnel, dans un élan de désespoir.

Mais, ce cri à peine lâché, elle devint toute pâle. M. Charbonnel dut la soutenir. Et ils restèrent un moment sans voix, les lèvres tremblantes, à se regarder, avec une grosse envie de pleurer. Ils faiblissaient, ils avaient une souleur, comme si, brusquement, les cinq cent mille francs se fussent écroulés devant eux.

Rougon continuait affectueusement :

— Vous avez affaire à forte partie. Monseigneur Rochart, l’évêque de Faverolles, est venu en personne à Paris pour appuyer la demande des sœurs de la Sainte-Famille. Sans son intervention, il y a longtemps que vous auriez gain de cause. Le clergé est malheureusement très-puissant aujourd’hui… Mais je laisse ici des