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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

— Voilà les affaires sérieuses terminées, dit-il à demi-voix, en venant se rasseoir devant le piano.

Il tapa à tour de bras une ronde canaille, très-populaire cette année-là. Puis, tout d’un coup, ayant regardé l’heure, il courut prendre son chapeau.

— Vous partez ? demanda Clorinde.

Elle l’appela du geste, s’appuya sur son épaule, pour lui parler à l’oreille. Il hochait la tête, en riant. Il murmurait :

— Très-fort, très-fort… J’écrirai ça là-bas.

Et il sortit, après avoir salué. Luigi, d’un coup d’appui-main, avait fait relever Clorinde, accroupie sur la table. Sans doute le fleuve de voitures coulant le long de l’avenue finissait par ennuyer la comtesse, car elle tira un cordon de sonnette, derrière elle, dès qu’elle eut perdu de vue le coupé du chevalier, noyé au milieu des landaus descendant du Bois. Ce fut le grand diable de domestique, à figure de bandit, qui entra, en laissant la porte ouverte. La comtesse s’abandonna à son bras, traversa lentement la pièce, au milieu de ces messieurs, debout, inclinés devant elle. Elle répondait de la tête, avec son sourire. Puis, sur le seuil, elle se tourna, elle dit à Clorinde :

— J’ai ma migraine, je vais me coucher un peu.

— Flaminio, cria la jeune fille au domestique qui emportait sa mère, mettez-lui un fer chaud aux pieds !

Les trois réfugiés politiques ne se rassirent pas. Ils demeurèrent encore là, un instant, sur une même ligne, achevant de mâchonner leurs cigares, qu’ils jetèrent dans un coin, derrière le tas de terre glaise, du même geste correct et précis. Et ils défilèrent devant Clorinde, ils s’en allèrent, en procession.

— Mon Dieu ! disait M. La Rouquette, qui venait d’entamer une conversation sérieuse avec Rougon, je