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UNE PAGE D’AMOUR.

Vers la fin du mois, madame Deberle fut agitée d’un grand projet. Tout d’un coup, elle venait d’avoir l’idée de donner un bal d’enfants. La saison était déjà bien avancée, mais cette idée emplit tellement sa tête vide, qu’elle se lança aussitôt dans les préparatifs avec son activité turbulente. Elle voulait quelque chose de tout à fait bien. Le bal serait costumé. Alors, elle ne causa plus que de son bal, chez elle, chez les autres, partout. Il y eut, dans le jardin, des conversations interminables. Le beau Malignon trouvait le projet un peu « bébête » ; mais il daigna pourtant s’y intéresser, et il promit d’amener un chanteur comique de sa connaissance.

Une après-midi, comme tout le monde était sous les arbres, Juliette posa la grave question des costumes pour Lucien et Jeanne.

— J’hésite beaucoup, dit-elle ; j’ai songé à un Pierrot de satin blanc.

— Oh ! c’est commun ! déclara Malignon. Vous aurez une bonne douzaine de Pierrots, dans votre bal… Attendez, il faudrait quelque chose de trouvé…

Et il se mit à réfléchir profondément, en suçant la pomme de sa badine. Pauline, qui arrivait, s’écria :

— Moi, j’ai envie de me mettre en soubrette…

— Toi ! dit madame Deberle avec surprise, mais tu ne te déguises pas ! Est-ce que tu te prends pour un enfant, grande bête ?… Tu me feras le plaisir de venir en robe blanche.

— Tiens ! ça m’aurait amusée, murmura Pauline, qui, malgré ses dix-huit ans et ses rondeurs de belle fille, adorait sauter avec les tout petits enfants.

Hélène, cependant, travaillait au pied de son arbre, levant parfois la tête pour sourire au docteur et à M. Rambaud, qui causaient debout devant elle.