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LES ROUGON-MACQUART.

des joies particulières, d’autant plus que son mari ne pratiquait pas et que ses dévotions prenaient le goût du fruit défendu. Hélène la regarda, lui répondit seulement par un hochement de tête. Toutes deux avaient la face pâmée et souriante. Un grand bruit de chaises et de mouchoirs s’éleva, le prêtre venait de quitter la chaire, en lançant ce dernier cri :

— Oh ! dilatez votre amour, pieuses âmes chrétiennes, Dieu s’est donné à vous, votre cœur est plein de sa présence, votre âme déborde de ses grâces !

Les orgues ronflèrent tout de suite. Les litanies de la Vierge se déroulèrent, avec leurs appels d’ardente tendresse. Il venait des bas-côtés, de l’ombre des chapelles perdues, un chant lointain et assourdi, comme si la terre eût répondu aux voix angéliques des enfants de chœur. Une haleine passait sur les têtes, allongeait les flammes droites des cierges, tandis que, dans son grand bouquet de roses, au milieu des fleurs qui se meurtrissaient en exhalant leur dernier parfum, la Mère divine semblait avoir baissé la tête pour rire à son Jésus.

Hélène se tourna tout d’un coup, prise d’une inquiétude instinctive :

— Tu n’es pas malade, Jeanne ? demanda-t-elle.

L’enfant, très-blanche, les yeux humides, comme emportée dans le torrent d’amour des litanies, contemplait l’autel, voyait les roses se multiplier et tomber en pluie. Elle murmura :

— Oh ! non, maman… Je t’assure, je suis contente, bien contente…

Puis, elle demanda :

— Où donc est bon ami ?

Elle parlait de l’abbé. Pauline l’apercevait ; il était