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LES ROUGON-MACQUART.

— Alors, vous ne savez rien ? demanda-t-elle.

Et, comme il avait pris son poignet nu sous la manche ouverte du peignoir, et qu’il le couvrait de baisers avides, elle eut enfin un mouvement d’impatience.

— Laissez donc ! Vous voyez bien que je ne vous entends seulement pas. Est-ce que je songe à ces choses !

Elle se calma, elle posa une seconde fois sa question.

— Alors, vous ne savez rien ?… Eh bien ! ma fille est malade. Je suis contente de vous voir, vous allez me rassurer.

Prenant la lampe, elle marcha la première ; mais, sur le seuil, elle se retourna, pour lui dire durement, avec son clair regard :

— Je vous défends de recommencer ici… Jamais, jamais !

Il entra derrière elle, frémissant encore, comprenant mal ce qu’elle lui disait. Dans la chambre, à cette heure de nuit, au milieu des linges et des vêtements épars, il respirait de nouveau cette odeur de verveine qui l’avait tant troublé, le premier soir où il avait vu Hélène échevelée, son châle glissé des épaules. Se retrouver là et s’agenouiller, boire toute cette odeur d’amour qui flottait, et attendre ainsi le jour en adoration, et s’oublier dans la possession de son rêve ! Ses tempes éclataient, il s’appuya au petit lit de fer de l’enfant.

— Elle s’est endormie, dit Hélène à voix basse. Regardez-la.

Il n’entendait point, sa passion ne voulait pas faire silence. Elle s’était penchée devant lui, il avait aperçu sa nuque dorée, avec de fins cheveux qui frisaient.