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UNE PAGE D’AMOUR.

Et il ferma les yeux, pour résister au besoin de la baiser à cette place.

— Docteur, voyez donc, elle brûle… Ce n’est pas grave, dites ?

Alors, dans le désir fou qui lui battait le crâne, il tâta machinalement le pouls de Jeanne, cédant à l’habitude de la profession. Mais la lutte était trop forte, il resta un moment immobile, sans paraître savoir qu’il tenait cette pauvre petite main dans la sienne.

— Dites, elle a une grosse fièvre ?

— Une grosse fièvre, vous croyez ? répéta-t-il.

La petite main chauffait la sienne. Il y eut un nouveau silence. Le médecin s’éveillait en lui. Il compta les pulsations. Dans ses yeux, une flamme s’éteignait. Peu à peu, sa face pâlit, il se baissa, inquiet, regardant Jeanne attentivement. Et il murmura :

— L’accès est très-violent, vous avez raison… Mon Dieu, la pauvre enfant !

Son désir était mort, il n’avait plus que la passion de la servir. Tout son sang-froid revenait. Il s’était assis, questionnait la mère sur les faits qui avaient précédé la crise, lorsque la petite s’éveilla en gémissant. Elle se plaignait d’un mal de tête affreux. Les douleurs dans le cou et dans les épaules étaient devenues tellement vives, qu’elle ne pouvait plus faire un mouvement sans pousser un sanglot. Hélène, agenouillée de l’autre côté du lit, l’encourageait, lui souriait, le cœur crevé de la voir souffrir ainsi.

— Il y a donc quelqu’un, maman ? demanda-t-elle en se tournant et en apercevant le docteur.

— C’est un ami, tu le connais.

L’enfant l’examina un instant, pensive et comme hésitante. Puis, une tendresse passa sur son visage.