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UNE PAGE D’AMOUR.

à ce moment où la fièvre redoublait, ils étaient là, silencieux et seuls, dans la chambre moite ; et, malgré eux, comme s’ils avaient voulu se sentir deux contre la mort, leurs mains se rencontraient au bord du lit, une longue étreinte les rapprochait, tremblants d’inquiétude et de pitié, jusqu’à ce qu’un faible soupir de l’enfant, une haleine apaisée et régulière, les eût avertis que la crise était passée. Alors, d’un hochement de tête, ils se rassuraient. Cette fois encore, leur amour avait vaincu. Et chaque fois leur étreinte devenait plus rude, ils s’unissaient plus étroitement.

Un soir, Hélène devina qu’Henri lui cachait quelque chose. Depuis dix minutes, il examinait Jeanne, sans une parole. La petite se plaignait d’une soif intolérable ; elle étranglait, sa gorge séchée laissait entendre un sifflement continu. Puis, une somnolence l’avait prise, le visage très-rouge, si alourdie, qu’elle ne pouvait plus même lever les paupières. Et elle restait inerte, on aurait cru qu’elle était morte, sans le sifflement de sa gorge.

— Vous la trouvez bien mal, n’est-ce pas ? demanda Hélène de sa voix brève.

Il répondit que non, qu’il n’y avait pas de changement. Mais il était très-pâle, il demeurait assis, écrasé par son impuissance. Alors, malgré la tension de tout son être, elle s’affaissa sur une chaise, de l’autre côté du lit.

— Dites-moi tout. Vous avez juré de tout me dire… Elle est perdue ?

Et, comme il se taisait, elle reprit avec violence :

— Vous voyez bien que je suis forte… Est-ce que je pleure ? est-ce que je me désespère ?… Parlez. Je veux savoir la vérité.

Henri la regardait fixement. Il parla avec lenteur.