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LES ROUGON-MACQUART.

— Eh bien ! dit-il, si d’ici à une heure elle ne sort pas de cette somnolence, ce sera fini.

Hélène n’eut pas un sanglot. Elle était toute froide, avec une horreur qui soulevait sa chevelure. Ses yeux s’abaissèrent sur Jeanne, elle tomba à genoux et prit son enfant entre ses bras, d’un geste superbe de possession, comme pour la garder contre son épaule. Pendant une longue minute, elle pencha son visage tout près du sien, la buvant du regard, voulant lui donner de son souffle, de sa vie à elle. La respiration haletante de la petite malade devenait plus courte.

— Il n’y a donc rien à faire ? reprit-elle en levant la tête. Pourquoi restez-vous là ? Faites quelque chose…

Il eut un geste découragé.

— Faites quelque chose… Est-ce que je sais ? N’importe quoi. Il doit y avoir quelque chose à faire… Vous n’allez pas la laisser mourir. Ce n’est pas possible !

— Je ferai tout, dit simplement le docteur.

Il s’était levé. Alors, commença une lutte suprême. Tout son sang-froid et toute sa décision de praticien revenaient. Jusque-là, il n’avait point osé employer les moyens violents, craignant d’affaiblir ce petit corps déjà si pauvre de vie. Mais il n’hésita plus, il envoya Rosalie chercher douze sangsues ; et il ne cacha pas à la mère que c’était une tentative désespérée, qui pouvait sauver ou tuer son enfant. Quand les sangsues furent là, il lui vit un moment de défaillance.

— Oh ! mon Dieu, murmurait-elle, mon Dieu, si vous la tuez…

Il dut lui arracher un consentement.